jeudi 1 décembre 2011

Y’a-t-il un marché de la biodiversité ?

Avait lieu en début de semaine, une conférence sur la biodiversité à Londres (organisée par le Global Business Of Biodiversity Symposium pour la deuxième fois). La Grande-Bretagne étant le premier pays à avoir procéder à une évaluation nationale des apports des écosystèmes et surtout à les monétariser, il était intéressant de se rendre sur place et connaître le point des entreprises britanniques sur la biodiversité.
Une multitude d’intervenants de hauts niveaux étaient présents: responsables environnementaux de groupes internationaux, acteurs ayant une reconnaissance mondiale travaillant autour du thème de la biodiversité et des écosystèmes, délégations étrangères et enfin représentants des institutions internationales tels que l’UNFF, le CBD et l’UE.
Les interventions se sont enchaînées à un rythme effréné et si l’on a pu déplorer le manque de temps, le contenu de cette journée s’est avéré riche en enseignements.
Bien sûr, la question principale des entreprises demeure la suivante : y’a-t-il un marché de la biodiversité ? Existe-t-il des opportunités réelles concernant la biodiversité en tant que valeur d’échange ? Cette approche marché, fortement anglo-saxonne, déroule son raisonnement implacable : s’il n’y a pas de marché, il n’y pas de valeur attribuée à la biodiversité, s’il n’y pas de valeur marchande quel intérêt pour les entreprises de la prendre en compte ?
A partir de là, il devient évident que la biodiversité doit être monétarisée si l’on veut que les entreprises l’intègrent en leur sein. Le débat autour de la monétarisation de la biodiversité et des écosystèmes n’est donc pas la question prégnante.
En revanche à la question pourquoi prendre en compte la biodiversité, deux réponses tenant compte de la rationalité « business » ont été énoncées très clairement :
1°) management du risque
2°) stratégie commerciale (différenciation)
Sur ce premier point, les standards de performance IFC (International Finance Corporation) tendent à faire l’unanimité sur les marchés internationaux (s’agissant de critères utilisés par la banque mondiale pour financer les projets qu’elle désigne, ils sont utilisés aujourd’hui par plus de 75 institutions). On observe d’ailleurs une croissance du nombre de rapports écrits concernant la prise en compte de la biodiversité comme risque sur les marchés financiers en termes de gestion de ce risque, de transparence et d’information des actionnaires.
Sur le deuxième point, bien que l’on constate que la plupart des entreprises présentes ont mis au point des partenariats avec une ou plusieurs ONG, on ne peut pas perdre de vue le clivage entre collaboration et compétition. En effet s’il l’on reconnaît le besoin de standards uniformisés voire uniformisés au niveau sectoriel, il apparaît tout aussi problématique que ces standards soient établis par les entreprises elles-mêmes si l’on considère la biodiversité comme stratégie commerciale de différenciation. Le support du législateur est donc requis ici.
Les standards de performance de la banque mondiale (IFC) pourraient ainsi apportés une réponse en fournissant un cadre de référence. On observe d’ailleurs que les critères internationaux convergent avec le BBOP (Business and Biodiversity Offsets Programme) qui permettent donc aux entreprises de créer des politiques de gestion de la biodiversité uniformisées (et donc un même cadre d’évaluation).
Pourtant, si le besoin d’un système d’évaluation uniforme fait l’unanimité on constate que les entreprises présentes à cette conférence sont bien avancées sur la question de la prise en compte de la biodiversité et sont souvent en avance des politiques. Malgré cela certaines entreprises se posent encore la question du pourquoi (voir au début de l’article), on remarque donc deux vitesses entre les entreprises par rapport à cette question environnementale.
Les entreprises oscillent donc entre d’une part une mise en conformité avec la loi (et attendent donc que les politiques mettent en place une législation) et d’autre part l’innovation qui permet de créer des cadres d’intégration du risque/opportunité de la biodiversité.
Dans tous les cas la mise en place d’une politique de biodiversité au sein des entreprises doit s’inscrire à toutes les échelles de management (type Balanced Score Card). En effet la gestion du risque lié à la biodiversité se trouve souvent à la base des opérations et les institutions financières sont obligées de creuser loin pour comprendre les leviers d’atténuation du risque ; d’où l’importance de travailler en termes de chaîne de valeur. Approche que Factor-X ne cesse de promouvoir auprès des décisionnaires en entreprises.
De manière générale, la thématique de la biodiversité pourra avancer d’une part en mettant en place un cadre législatif (collaboration avec les entreprises ?), en établissant des schémas de financement innovants et en continuant à informer les entreprises des risques réels encourus (souvent sous-estimés) si elles ne prennent pas en compte la biodiversité.
Le Dr Peter Brotherton du Natural England a exhorté les entreprises présentes ce jour-là à prendre les devants, à arrêter de se poser des questions de marchés et surtout à ne pas attendre la législation ou les catastrophes naturelles pour agir.
Global Business of Biodiversity Symposium
28th November 2011, IET, Savoy Place, London

Mieux vaut apporter des bonbons, parce que les fleurs… sont bien plus que périssables !

Et oui, si à l’époque le commerce des fleurs coupées ressemblait à celui d’aujourd’hui, Jacques Brel aurait peut-être insisté beaucoup plus dans sa chanson !
Un bouquet de fleurs par sa fraîcheur et sa beauté ravit celle ou celui qui le reçoit. Les occasions sont nombreuses tout au long de l’année: les anniversaires, les naissances, la Saint-Valentin, la fête des mères, Noël,..
Cependant, voué à se faner en quelques jours, ce bouquet offrira un plaisir bien éphémère en comparaison avec les conséquences environnementales, économiques et humaines qu’il comporte.
En effet, toutes ces jolies fleurs ornant les étales de nos fleuristes proviennent dans la très grande majorité des cas de pays lointains : Kenya, Mexique, Ethiopie, Zambie, Inde,...
Par exemple, 90% des roses, espèce que l’on trouve pourtant dans nos jardins, proviennent de l’autre bout du monde. Périssables et fragiles, les fleurs nécessitent un transport rapide et réfrigéré qui s’effectuera par avion et puis par camion.
Mais avant de s’envoler vers l’Europe qui importe à elle-seule plus de 80% de la production mondiale, elles auront été cultivées de manière intensive, nécessitant de grandes surfaces arables ainsi que des quantités très importantes d’eau, de produits phytosanitaires et d’engrais. La floriculture nécessite par ailleurs des conditions contrôlées (température, humidité, lumière) et protégées (aléas climatiques locaux), il faudra donc très souvent cultiver les fleurs sous serre. Et oui, n’oublions pas qu’elles doivent refléter pureté et perfection et arriver en parfait état chez le fleuriste, quel qu’en soit le prix.
Mais l’addition climatique et environnementale se sale à chaque étape de la production et de la commercialisation des fleurs. Les écosystèmes locaux payent un lourd tribu, comme en témoigne par exemple le tristement célèbre lac Naïvasha au Kenya, véritable réservoir de biodiversité désormais menacé par les effluents provenant de la floriculture.
Selon Terra Economica, « la dépense énergétique engendrée par l’achat d’un bouquet de 25 roses équivaut à une balade en voiture de 20 kilomètres ». Quant aux fleurs cultivées en Europe, leur production s’avère parfois encore plus impactante à cause des serres chauffées et éclairées 24h/24.
Les aspects humains ne sont pas plus folichons. Les fleurs sont produites dans des pays à très bas salaire et sans protection des travailleurs. Ces derniers travaillent dans des conditions souvent saturées en produits toxiques. Mal protégés lors de la manipulation des phytosanitaires en tout genre et très mal informés du danger que cette exposition représente, leur santé en est très souvent impactée : maladies congénitales, cancer, fausses-couche font légions dans les populations des régions à forte production horticole.
Mais qu’importe penseront les réfractaires ; une fois chez l’heureuse élue à qui les fleurs sont destinées, leur beauté immaculée nous fera oublier le reste. Sauf que, pleines de résidus chimiques (les normes de sécurité étant moins strictes pour les fleurs que pour les produits destinés à la consommation), de petites molécules toxiques viendront emplir nos narines lorsque nos réflexes face à une fleur nous pousseront à la respirer !
Faut-il donc renoncer à acheter des fleurs ? Les boycotter ne rendra pas forcément service aux pays producteurs. Les pays du Sud ont augmenté de 24 % leurs parts du marché mondial des fleurs coupées, ce qui leur offre des revenus capitaux pour leur développement économique. Ainsi, selon la FAO, l'horticulture est le secteur à plus forte croissance au Kenya, rapportant plus de 270 millions de dollars en 2000, dont 110 millions de dollars pour les fleurs coupées. Ce secteur rivalise désormais avec les secteurs traditionnels du Kenya fournisseurs de devises fortes: le thé, le café et le tourisme.
Mais se préoccuper de la provenance et du type de culture des fleurs peut petit à petit faire la différence. Si la demande est encore faible pour les fleurs labélisées AB ou équitable, elle se développe néanmoins. A nous d’y participer et l’offre suivra !!
On peut aussi offrir des fleurs locales (fleurs des champs, muguet, jacinthe des bois…) qu’on aura été cueillir soi-même ou à défaut, porter son choix sur une plante en pot qui, bien soignée, fleurira de nombreuses années !